Alors que près de 700 millions d’euros de fonds européens ont été versés à la France pour promouvoir le développement rural il y a cinq ans, seuls 28 millions ont été dépensés dans les régions depuis le début du programme. Le reste de l’enveloppe pourrait être rendu à Bruxelles. En cause : des lenteurs administratives et un logiciel défectueux.

Achat de matériel pour les agriculteurs, organisation de festival ou encore mise en place d’ateliers valorisant les produits du territoire… Les aides européens représentent une source de financement importante pour l’émergence d’initiatives visant à promouvoir les régions françaises. En 2014, Bruxelles a alloué une enveloppe de 687 millions d’euros destinée aux 340 territoires ruraux en France et en Outre Mer, dans le cadre du programme européen Leader. Cinq ans après son lancement, seulement 4% de ces fonds ont effectivement été versés aux régions, soit moins de 28 millions d’euros. Si tous les fonds ne sont pas dépensés par la France d’ici la date butoir de 2020, il faudra rendre l’argent à Bruxelles.

Tandis que l’Europe a respecté ses engagements, les crédits versés à l’État français tardent à parvenir sur le terrain, et peu de programmes semblent avoir vu le jour.

Un logiciel défectueux et des lenteurs administratives

Les raisons de cet échec sont multiples, et les porteurs de projets désespèrent face aux nombreux dysfonctionnements. L’explication réside principalement sur l’utilisation d’un logiciel défectueux du nom d’Osiris, censé assurer le suivi et la gestion du programme Leader. Cet outil informatique aurait mis des années à être correctement paramétré, suscitant depuis 2014 un conflit entre l’État et les régions qui n’ont eu de cesse de se renvoyer la faute. D’autre part, les régions disposent de moyens limités pour instruire les dossiers financés par le fond Leader, laissant ainsi place à de nombreuses lenteurs administratives. «Politiquement les régions n’ont pas pris en compte l’importance du programme Leader, puisqu’il ne représente que 6% du fond européen agricole pour le développement rural (FEADER)», confie le président de Leader France, Thibaut Guignard, au Figaro.

L’État et les régions se renvoient la faute

Depuis 2014, la gestion des fonds européens dans la sélection des projets et la mise en place de leurs phases administrattives et juridiques, a été confiée aux régions. Mais c’est l’État qui conserve l’autorité de paiement, bien que les régions aient à l’époque réclamé la régionalisation du paiement des aides européennes. «Tant que l’État n’a pas reçu d’ordre, l’argent ne peut pas être versé», précise le président de Leader France.

Des milliers de projets ruraux non réalisés

Cette situation ubuesque donne ainsi lieu depuis des années à deux types de problèmes. D’une part, plus de 5000 porteurs de projets attendent toujours de toucher leurs aides européennes pour des projets qu’ils ont déjà réalisés. D’autre part, ce sont près de 7500 dossiers de projets en stock qui sont bloqués au stade administratif.

Résultat: des PME se retrouvent dans des situations économiques difficiles et de nombreux agents perdent patience. «Il n’y a eu aucune prise de conscience sur la situation catastrophique dans laquelle dans laquelle nous nous trouvons, avec aujourd’hui des structures qui mettent la clef sous la porte, des licenciements et des ingénieurs locaux qui démissionnent», regrette Thibaut Guignard. Ce dernier estime que les régions risquent au final de perdre 25% de l’enveloppe de 700 millions d’euros, soit près de 175 millions d’euros qu’il faudra rendre à Bruxelles.

1,2 milliard d’aides européennes perdus en 2013

Avec 11,4 milliards d’euros, la France est l’État membre de l’Union Européenne ayant reçu l’enveloppe FEADER la plus conséquente en 2014. Mais il semble que la mauvaise gestion des fonds européens par les administrations françaises ne soit pas un phénomène nouveau. En 2013, la France avait renvoyé à Bruxelles près de 1,2 milliard d’euros d’aides européennes issues de ce programme.

«Nous avons écrit plusieurs fois au ministre de l’agriculture, et alerté Jacqueline Gourault pour demander une intervention de l’Etat. Nous souhaitons une coordination au niveau national, afin que l’argent finisse par être réellement versé», explique le président de Leader France. Même si rien d’officiel n’a encore été acté, Leader France et l’ensemble des régions ont réussi à obtenir de la Commission européenne un rallongement de la date butoir pour le versement de cette aide européenne jusqu’en 2021. Mais alors que les discussions tableront très prochainement sur la future programmation européenne de 2021-2027, «il pourrait devenir difficile de défendre les budgets français», s’inquiète Thibaut Guignard.

Pour consulter l’intégralité de l’article : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/01/17/20002-20190117ARTFIG00003-l-incroyable-lenteur-du-versement-des-aides-europeennes-au-developpement-rural-en-france.php?fbclid=IwAR0lA9X226CH5xhaD6Uxe0GWKnyVwnQDPLd-kYPqcx8nMWLQbwtWl6r4b84