Retrouvez l’interview de Thibaut Guignard Président de Leader France, dans la revue France Agricole sur la situation de Leader en France.
Vous alertez sur les retards d’instruction et de paiement affectant le programme Leader, qui représente 5 % du budget du développement rural (second pilier de la Pac) en France…
Quatre ans après le début de la programmation, nous en sommes à 4 % de paiement et 13 % d’engagement sur les 687 millions d’euros (1) de crédits européens dont dispose la France pour 2014-2020. Même si le règlement européen permet une prolongation jusqu’à fin 2023, cela ne résout rien : au rythme actuel, nous n’aurons consommé qu’un dixième de l’enveloppe ! C’est entièrement la faute de notre système d’instruction et de paiement, qui est complètement grippé.
Dans les efforts pour résorber les retards du second pilier, Leader est passé en dernier ?
Oui, car il s’agit de plus faibles montants. L’esprit de Leader, c’est de soutenir des centaines de projets à 3 000 ou 4 000 euros. Mais ces derniers sont très structurants pour des communes de 300 habitants. Leader peut presque tout financer : un festival culturel, une maison d’assistantes maternelles, un magasin de producteurs, une médiathèque… Et ce sont les seuls fonds européens accessibles aux petites communes rurales, car les autres demandent une ingénierie trop lourde.
Quelles sont les conséquences de ce retard sur le terrain ?
Aujourd’hui, 8 000 dossiers sont en attente d’instruction sur les bureaux des autorités de gestion. Et trois fois plus de dossiers auraient pu être déposés, mais les projets sont gelés. Leader est déployé par des structures implantées dans les territoires, qui fonctionnent avec un à deux salariés – financés par le programme luimême – et une trentaine de bénévoles. Les structures n’ayant pas assez de trésorerie pour compenser quatre ans de retard ont dû licencier leurs animateurs ou se mettre en sommeil. Et les porteurs de projets se démotivent.
Que se passera-t-il si on ne consomme pas l’enveloppe ?
Il faudra rembourser à l’Europe les fonds non consommés. Les Régions devront payer sur leurs propres crédits ce qui a été promis, mais des milliers de projets n’auront pas pu voir le jour. La France a été à l’origine de ce programme de soutien aux territoires ruraux, en 1991, mais elle est aujourd’hui dans l’incapacité de le déployer. En plus du gâchis financier, cela donne une triste image de la France en Europe, et une triste image des fonds européens en France.