Alors que la Cour des comptes européenne a publié un rapport spécial sur Leader, retrouvez la réaction de Thibaut Guignard , président de Leader France, dans cet article de Localtis.

Douze ans après un rapport au vitriol, la Cour des comptes européenne estime cette fois que le programme Leader facilite bien l’engagement local. Elle doute en revanche que les surcoûts et risques engendrés par cette démarche l’emportent sur les bénéfices.

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© @Laurentluz

« Peu d’éléments indiquent que les avantages [que procure l’approche Leader] l’emportent sur les coûts et les risques qu’elle engendre », estime la Cour des comptes européenne dans un nouveau rapport spécial qu’elle consacre à ce programme. « En prenant connaissance de ce rapport, on est un peu tombé de l’armoire ! », confesse à Localtis Thibaut Guignard, à la tête de Leader France. Il relève d’emblée que l’audit de la Cour « n’est pas représentatif ». « Il examine le cas de 20 groupes d’action locale (GAL) seulement, alors que l’on compte 2.800 territoires Leader et 3.300 GAL engagés dans une démarche de développement local. » Ces 20 GAL ne sont en outre issus que de 10 États membres, la France ne faisant malheureusement pas partie des États auscultés (ce qui est d’autant plus regrettable que le « rapport Montchalin » – v. notre article du 22 novembre 2019 – semble définitivement « perdu »). Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Rien n’est moins sûr.

Leader favorable à l’engagement local

D’abord parce qu’avec le recul, le rapport ne semble finalement pas aussi virulent que quelques phrases chocs pourraient le laissaient paraître. Il est dans tous les cas bien moins défavorable que celui que la Cour avait consacré à cette politique en 2010 (v. notre article du 9 décembre 2010). La Cour relève ainsi que « les groupes d’action locale ont réussi à promouvoir l’engagement [local], ce qui constitue une amélioration par rapport à la situation que nous avions pu observer il y a plus de dix ans ». Or c’est précisément l’un des principaux objectifs de ce programme, tout sauf anodin à l’heure où la Convention sur l’avenir de l’Europe promeut avec force le rapprochement de l’Union avec ses citoyens (v. notre article du 13 mai), sans réussir à se faire entendre (v. notre article du 30 juin). Autre motif de satisfaction pointé par la Cour, « les autorités publiques [n’ont] officiellement plus la mainmise sur le processus de sélection des projets » (mais elle déplore que les jeunes restent sous-représentés). 

Surcoûts et lenteurs 

Ensuite, parce que certaines critiques formulées par la Cour ne sont pas sans faire écho au quotidien des GAL et/ou des porteurs de projets.

Ainsi lorsque la Cour déplore que l’approche « génère des coûts administratifs et de fonctionnement plus élevés » ou « ralentit les processus d’approbation ». « Cela fait des années que l’on n’arrête pas de dénoncer le coût administratif de la gestion de ces programmes », rappelle Thibaut Guignard (pour des exemples, v. notre article du 5 novembre 2021 ou celui du 10 mars). La Cour ne vise toutefois sans doute pas uniquement les autorités de gestion et de paiement lorsqu’elle observe « que le processus de demande et d’approbation des projets est compliqué et impose des exigences administratives supplémentaires pour les porteurs de projets par rapport aux programmes de dépenses généraux ». Reste que le président de Leader France ne pourra qu’appuyer la recommandation de la Cour adressée aux États membres d’ « assurer l’autonomie » des GAL et de « réduire au minimum leur charge administrative ».

Dévoiement du programme

De même lorsque la Cour dénonce le fait que « certains États membres et groupes d’action locale ont eu recours à des fonds Leader pour financer des projets qui relèvent généralement des autorités nationales, régionales ou municipales » – un dévoiement déjà pointé dans le rapport de 2010. « Les fonds européens ne doivent pas servir de substituts ! », lui fait écho Thibaut Guignard. « C’est plutôt rarement le cas en France s’agissant de Leader », indique-t-il, avant de relever que « ça l’est avec les autres fonds européens. Par exemple avec le Feader, qui reste en France très agricole et soutient bien moins le développement rural que d’autres États membres ».

Universalité et pluralité

L’on est également prêt à parier que beaucoup se joindront à la Cour pour regretter que Leader « s’applique désormais à toutes les zones rurales, y compris celles dont les performances économiques sont nettement supérieures à la moyenne de l’UE », et ce alors qu’elle relève que, « selon une étude récente de la Commission, les zones rurales semi-urbaines bénéficient davantage des évolutions économiques et démographiques récentes que les zones périphériques » (v. notre article du 12 juillet 2021).

La critique de l’approche plurifonds, adoptée lors de la programmation 2014-2020 par 17 des 28 États membres, pourrait également faire consensus. Même en Suède, État examiné dont les modalités de gestion étaient pourtant « les plus rationalisées », « les autorités ont estimé que l’approche plurifonds était inefficace et coûteuse à gérer », observe la Cour. 

Le coût de la démocratie

En revanche – et sans surprise –, Thibaut Guignard conteste vertement le fait que le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. « Oui, la démocratie a un coût », tonne-t-il !, rappelant que le développement local porté par les collectivités locales n’est pas gratuit lui non plus. Il s’étonne notamment du choix opéré par la Cour de mettre au passif du programme « le coût des deux postes d’ingénieur financier et de développeur territorial dont bénéficient les GAL, alors que c’est plutôt l’un des atouts de Leader, à l’heure où l’on déplore le manque d’ingénierie dans les territoires [y compris la commissaire Elisa Ferreira – v. notre article du 2 mars]. Et ce d’autant que dans les faits, ces deux personnes dépassent souvent le périmètre de Leader pour être de véritables guides dans les territoires ».

Source : https://www.banquedesterritoires.fr/pour-la-cour-des-comptes-europeenne-leader-facilite-bien-lengagement-local-mais-au-prix-de-couts