A l’occasion de l’article paru dans Localtis le 05 octobre, retrouvez ci-dessous l’interview complète de Thibaut Guignard, Président de LEADER France, pour évoquer la situation de la mise en oeuvre du programme LEADER et de l’état d’esprit des GAL et de LEADER France.

Localtis : Qu’en est-il des difficultés concernant le paiement des aides ?

 

Thibaut Guignard : La programmation 2014-2020 a été marquée par la régionalisation de la gestion des fonds européens concomitamment avec la mise en œuvre de la réforme territoriale en France. Les deux chantiers ont ralenti le démarrage effectif de la programmation LEADER. En effet, le retard s’accumule depuis la validation des Programmes de Développement Rural que ce soit lors de la phase de conventionnement, de l’instrumentation des outils de gestion ou de la mise à disposition des moyens humains nécessaires pour l’instruction des dossiers.

 

L’année 2017 marque enfin le début effectif de la programmation LEADER en France, contrairement à la quasi-totalité des autres États Membres bien plus avancés dans la programmation.

 

Cependant, pour qu’un dossier soit payé, il doit d’abord être programmé en comité de programmation et instruit grâce au logiciel OSIRIS. Tant que les GAL n’auront pas un outil OSIRIS complet qui permette l’instruction et le paiement, ils ne pourront pas programmer ni conventionner et donc payer les porteurs de projets.

 

La situation s’améliore depuis janvier et l’ASP a mis des moyens nécessaires pour livrer les outils aux autorités de gestion et aux GAL. Ainsi, les structures porteuses commencent à percevoir des fonds pour l’ingénierie. Cependant toutes les régions ne sont pas au même rythme et l’ASP attend encore que certaines régions « commande » les outils.

 

Outre OSIRIS, le manque de moyens humains pour l’instruction des dossiers dans certaines régions empêche l’écoulement du stock de projets.

 

Localtis : Ces retards ont-ils des conséquences sur l’organisation des GAL : départs, démissions, démotivations ?

 

Thibaut Guignard : Les conséquences sont claires : des structures porteuses ou des porteurs de projets qui ne disposaient pas de fonds propres suffisants ont été mis en danger du fait de l’accumulation des retards. Des dizaines de projets ne verront pas le jour. Certaines régions ont pris en compte les difficultés et ont avancé les fonds pour le fonctionnement des GAL associatifs mais cela reste marginal

 

Par ailleurs, pour les structures porteuses des GAL, le non financement des postes d’animation – gestion provoque la remise en cause même de l’ingénierie dédiée dans les territoires, que ce soit pour des raisons financières (notamment dans les associations) ou par des départs des techniciens sans visibilité dans leurs missions LEADER. Beaucoup de mouvements au sein de l’ingénierie dédiée à LEADER dans les GAL (animateurs, gestionnaires) ont été constatés ces derniers mois et on peut penser que les nouveaux animateurs/ gestionnaires auront besoin de formations ce qui pourra retarder encore la mise en œuvre dans certains GAL. Cependant il faut rester positif : les GAL sont des structures dynamiques et réactives et LEADER France vient en appui de ses adhérents (près de 2/3) pour accompagner les GAL au quotidien.

 

Localtis : Y a-t-il eu des contacts auprès du gouvernement, de l’ASP sur le sujet et si oui qu’en est-il (calendrier ou autre) ?

 

Thibaut Guignard : Depuis 2016, LEADER France, Fédération des territoires ruraux engagés dans LEADER, alerte les différents acteurs de la démarche sur le retard et les conséquences de la situation : Ministère de l’Agriculture, ASP, Régions de France, …

 

Nous avons rencontré en 2016 nos partenaires pour dénoncer la situation de blocage de LEADER et écrit au Premier Ministre de l’époque.

 

Une démarche collective menée par LEADER France en partenariat avec Régions de France et l’AMF a par ailleurs débouché sur des améliorations concrètes suite au comité Etat Région de novembre 2016. Un déblocage de la situation s’est opéré durant le premier semestre 2017. Depuis, LEADER France reste en contact permanent avec l’ASP et Régions de France pour être le relais des GAL.

 

Localtis : Quelles conséquences sur la programmation des projets ?

 

Thibaut Guignard : Les conséquences sont inquiétantes mais pas définitives. Chaque génération de programme a été marquée par un retard au démarrage, même si celui-ci est totalement inédit. Cependant les GAL n’ont pas arrêté de travailler et les équipes sont en place depuis 2016 dans la majorité des cas. Les projets sont prêts même si la situation devient compliquée pour les porteurs de projets. Dans chaque région, on dénombre un nombre important de projets en attente. Dès que les derniers obstacles administratifs seront levés, les dynamiques vont se lancer rapidement. En fin de programme, les enveloppes seront sans doute consommées et des milliers de projets auront été financés grâce à LEADER. La qualité des projets sera au rendez-vous mais elle aurait pu être encore supérieure si nous n’avions eu ces retards… et surtout les surplus administratifs propres au fonctionnement français. 

Désormais, il est important que tout se débloque très rapidement car les discussions pour l’après 2020 sont en cours et la France doit prouver l’efficacité et l’efficience de LEADER, programme dont elle fut à initiative dans les années 90.

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