A l’occasion de l’appel au « Plan de sauvetage » lancé le 09 mars 2018 par Leader France, retrouvez les interviews de Thibaut Guignard et de Karine Farineau dans l’article paru dans la gazette des communes le 04 avril 2018 sur:  « Programme européen Leader : 680 millions d’euros pour la ruralité toujours pas versés »

L’association Leader France appelle à un plan de sauvetage des programmes Leader, face au retard accumulé dans l’engagement et paiement des projets programmées. Les régions, devenues autorités de gestion sans toutefois en maîtriser le paiement, espèrent pouvoir résorber le retard. Mais sur le terrain les inquiétudes demeurent. 

« Quatre ans après le début de la programmation européenne 2014-2020, l’année 2018 marque enfin le démarrage effectif de Leader en France, très en retard par rapport aux autres pays européens. Seulement 4,1 % des fonds sont aujourd’hui programmés et moins de 1 % payés ! ».
Les mots sont signés Leader France, qui regroupe les 330 groupes d’action locale (GAL). Ils appellent à un plan de sauvetage afin de résorber un retard qui paraît abyssal.

De cafouillages en bévues

Que s’est-il passé pour en arriver là ? L’Etat a décidé de transférer l’autorité de gestion des fonds européens aux régions, puis de fusionner la plupart des régions, mais en plus – contrairement à d’autres fonds comme le Feder -, il a également décidé de garder l’autorité de contrôle et paiement, à travers l’Agence de service et de paiement (ASP), pour ce qui concerne le Feader, géré auparavant par le ministère de l’agriculture.

Cela a entraîné de nombreux blocages, l’Agence de service et de paiement devant faire face non plus à un, mais à 22 interlocuteurs, qui eux-mêmes devaient mettre en place un outil informatique, Osiris, qui n’était pas opérationnel.

« Nous pourrons consommer tous les fonds »

Leader France propose un plan en trois points pour améliorer la situation : « une coordination nationale des autorités de gestion par le Ministère de l’Agriculture pour diffuser les bonnes pratiques, partager les difficultés et les solutions, la finalisation rapide de l’instrumentation de Leader afin que tous les outils soient opérationnels et le déploiement des moyens humains nécessaires dans les Autorités de Gestion pour accompagner les GAL et instruire rapidement les dossiers en attente ».

« Je ne pense pas qu’il y ait, à terme, un risque de dégagement (NDLR perdre les crédits européens alloués s’ils ne sont pas consommés dans les délais prévus), car nous avons assez de projets en stock. Nous arriverons à consommer les fonds si l’on s’en donne les moyens », assure le président de Leader France, Thibaut Guignard.

 

Quand le payeur est proche du décideur

Sur le terrain, le constat est le même qu’au niveau régional : « plus le payeur est proche du décideur, plus c’est facile », explique Karine Farineau, chargée de mission en Sud Vendée, et spécialisée sur les fonds Leader depuis quinze ans.

« Depuis un an, je travaille pour un GAL qui est nouveau, sur un territoire qui en est à son premier programme Leader. Nous avons du retard car nous n’avons conventionné avec la Région (Pays de Loire) qu’en novembre dernier. Mais le retard dans la mise en œuvre est aussi dû au fait que tous les outils de gestion ne sont pas opérationnels », explique-t-elle.

« Le calage entre le GAL et les services de la Région pêche car le circuit de gestion n’est pas fluide, nous n’avons pas encore d’automatismes. Nos collègues de la Région ont des craintes par rapport à l’ASP. Ça se passe mieux avec les dossiers Feder, où la Région maîtrise toute la chaîne : gestion et paiement ».

Vers un gâchis ?

Parmi la trentaine de demandes de financement en cours d’examen, Karine Farineau voit des cas de « coups partis », opérations réalisées en attente de paiement, mais aussi des opérations gelées, en attente de financement.

Exemples : L’Eurofestival, un événement réalisé l’été 2017, avait fait sa demande en 2016, sur un budget de dépenses de 300.000€, dont  10% devaient être financés par Leader. Mais les factures ne sont toujours pas payées. Tandis qu’un centre socio-culturel qui a monté un projet pour financer le poste d’un animateur numérique, afin de lutter contre l’exclusion, attend depuis deux ans.

« Les petites communes nous demandent : quand est-ce qu’on va être payées ? C’est déstabilisant, nous ne savons même pas quand nous pourrons donner des réponses », conclut Karine Farineau, qui s’interroge : « En France nous sommes dans un tel retard, que je ne sais pas si nous serons en mesure de le rattraper ». Pour les territoires concernés, ce serait du gâchis.

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